Le petit monde des Libellules
Insectes volants, souvent de grande taille et aux couleurs vives, les odonates regroupent les libellules (Anisoptères) et les demoiselles (Zygoptères). Facilement repérables, capables de grandes prouesses aériennes, ces animaux sont de véritables prédateurs, notamment d’insectes nuisibles, et se rencontrent dans tous types de milieux, mais plus fréquemment aux abords des zones humides.
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Les différences entre libellules et demoiselles
En France, nous appelons, souvent par confusion, libellules l’ensemble des odonates. Voici donc quelques critères pour différencier une libellule d’une demoiselle :
Libellules | Demoiselles | |
Yeux | Enveloppant la tête et se touchant généralement | Largement séparés |
Ailes | Etendues à l’horizontale au repos | Repliées au-dessus du corps au repos |
Base de l’aile postérieure | Plus larges que l’antérieure | Semblables à l’antérieure |
Corps | Généralement épais | Généralement fin |
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Le cycle de vie d’un odonate
Les odonates sont caractérisés par un cycle de vie amphibie : les œufs sont pondus dans une zone en eau (mare, étang, lac, rivière…). En fonction des conditions, l’embryon se développe directement ou l’œuf entre en diapause (stratégie adaptative permettant de passer l’hiver dans un état de dormance).
Une fois l’œuf éclos, la larve prédatrice se déplace grâce à ses pattes, et se nourrit d’autres insectes aquatiques, comme des larves de moustiques, voire même de têtards et de petits poissons. Les Zygoptères (Demoiselles) peuvent également nager de par la présence de lamelles caudales qui leur servent de branchies. Pour fuir, mais aussi parfois pour chasser, les larves d’Anisoptères (Libellules) expulsent violemment et de façon répétée l’eau contenue dans leur ampoule rectale (zone de respiration), afin de se propulser.
Les odonates, comme tous les insectes, grandissent par mues successives, c’est-à-dire que, lorsque son exosquelette devient trop petit, l’individu s’extirpe de celui-ci pour en former un nouveau plus grand. Par cette étape, les insectes peuvent également acquérir de nouveaux organes, voire de changer de forme (métamorphose). L’ancienne carapace que l’animal abandonne s’appelle l’exuvie.
On qualifie d’émergence la phase de développement qui consiste,à passer du milieu aquatique au milieu terrestre. Cette métamorphose implique de multiples transformations physiologiques et morphologiques. Ici, il s’agit notamment de passer d’une respiration aquatique à une respiration aérienne, de développer des ailes et de maîtriser le vol.
Durant cette courte période, les odonates sont vulnérables car les larves sortes de l’eau et cherchent un perchoir à partir duquel elles pourront se transformer. Elles muent une dernière fois afin de devenir des adultes ailés. En plus d’être vulnérables aux prédateurs à cet instant crucial de leur vie, les odonates sont également sensibles à la météo (vent, pluie) et au moindre aléa qui pourraient contrarier leur émergence, sous risque que leurs ailes et leurs corps soient abîmés.
Comme à l’état larvaire, les odonates adultes sont carnassiers. De la plus petite demoiselle à la plus grande aeschne, elles dévorent d’impressionnantes quantités d’insectes volants.
Chez de nombreuses espèces, l’accouplement se fait immédiatement après la capture d’une femelle par un mâle. Pour s’accoupler, les mâles de libellules doivent saisir les femelles grâce à leurs appendices anaux, au niveau de la tête ou du thorax selon les espèces. Les deux insectes forment alors un tandem. Les partenaires qui s’accouplent forment un cœur copulatoire car les pièces copulatrices du mâle sont situées sur le deuxième segment abdominal.
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Menaces et conservation
En outre des pressions de prédations (poissons, amphibiens, oiseaux …) et de parasitismes (hyménoptères, acariens, …), les odonates sont également sensibles à la conversion des terres à grande échelle, la canalisation des rivières, la pollution de l’eau, et plus largement la destruction des zones humides qui ont été les principales causes de leur déclin depuis le XXe siècle (KALKMAN et al., 2010).
En effet, les Odonates se développent dans les zones humides : la qualité de ces habitats conditionne leur développement et le maintien des populations sur un site. Ainsi, la préservation de ces insectes passe par des mesures globales de sauvegarde des zones humides et une meilleure intégration des espèces à la gestion des milieux naturels.
En France, les zones humides ont perdu près de la moitié de leur surface depuis le début du XXe siècle (Lehtinen et al., 1999). Leur assèchement, ainsi que leur comblement pour leur mise en culture, voire leur urbanisation, en sont les principaux facteurs. Cette situation perdure et la dégradation de ces milieux continue.
Par ailleurs, la configuration des « nouvelles zones humides » ,comme des étangs à vocation agricole ou récréative, est souvent défavorable à la biodiversité, avec des berges droites abruptes et une absence de hauts fonds (zone de faible profondeur), limitant considérablement la diversité d’habitats et de niches écologiques nécessaires pour répondre aux besoins de diverses espèces d’odonates. Ces étangs ou mares récréatifs souffrent généralement d’une gestion inadaptée des ceintures de végétation et, pour beaucoup, subissent une pression piscicole intensive. Enfin, bon nombre d’espèces exotiques envahissantes sont néfastes aux libellules (écrevisses, jussies, Myriophylle du Brésil, …).
Des aménagements, tels que le dragage (approfondissement du lit), la canalisation (bétonnage des berges et parfois du fond), l’endiguement (augmentation de la hauteur des berges pour éviter le débordement des eaux), mais aussi la rectification du cours (recoupement des méandres) et le recalibrage (augmentation de la capacité du lit en modifiant sa profondeur et sa largeur), ont modifié de façon durable les cours d’eau (pente, profondeur, vitesse du courant, forme des berges). Ils ont des répercussions sur le fonctionnement des écosystèmes, notamment des perturbations dans la dynamique et de la sédimentation du cours d’eau (érosion, dépôts, modification de la propagation des crues et des risques d’inondation) et une diminution de la diversité naturelle des habitats et des espèces présentes.
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Pourquoi les étudier ?
De nombreuses espèces d’odonates ont de petites répartitions et sont spécifiques à certains habitats tels que les mares temporaires. Les odonates sont fréquemment utilisés comme indicateurs de la santé environnementale car leur sensibilité à la qualité de l’habitat (par exemple la chimie de l’eau, la structure des rivières), leur cycle de vie amphibie et la facilité relative de leur identification font que leur étude est bien adaptée pour évaluer les changements environnementaux à long terme (biogéographie, climatologie) et à court terme (biologie de la conservation, pollution de l’eau, altération structurelle des eaux courantes et stagnantes).
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Dans notre région
Au total, 59 espèces ont été recensées en Île-de-France, dont 4 qui bénéficient d’un statut de protection réglementaire en Europe et en France et 9 qui bénéficient également d’une protection régionale.
Quelques espèces à découvrir dans nos contrées :
Agrion délicat (Ceriagrion tenellum) : Petite demoiselle (partiellement) rouge à pattes rouges. On retrouve les larves dans des suintements et petits cours d’eau. Les adultes émergent début mai à fin septembre. Cette espèce est considérée comme vulnérable dans notre région.
Leste fiancé (Lestes sponsa) : Les lestes ont un corps couleur métallique parfois partiellement recouvert de pruine (couche cireuse, glauque et légèrement poudreuse). Les mâles de cette espèce sont donc bleutés au début et à la fin de l’abdomen, pendant que les femelles sont entièrement vert métallique. Les larves se développent souvent dans les eaux stagnantes bordées de plantes aquatiques pendant que les adultes volent de mi-mai à mi-octobre. Le Leste fiancé est considéré comme assez rare avec une répartition qui manque de données.
Sympétrum vulgaire (Sympetrum vulgatum) : Souvent confondu avec le Sympétrum strié (Sympetrum striolatum), ce sont des libellules aux mâles rouges et femelles jaunâtres. Alors que S. Striolatum est assez fréquente, S. vulgatum est très rare dans notre région. C’est une espèce de fin de saison qui affectionne les zone de marais ou d’étangs bien végétalisés présentant des portions exondées.
Caloptéryx éclatant (Calopteryx spendens) : les mâles sont élégamment colorés d’un bleu métallique sur tout leur corps et une partie de leurs ailes, pendant que les femelles sont vert métallique sur leur corps et leurs ailes sont verdâtres transparentes. Souvent abondanst, on les retrouve près des eaux courantes en milieu ouvert à semi-ouvert, les adultes étant visibles de mai à août. C’est une espèce commune.
Aeschne paisible (Boyeria irene) : Plutôt grande libellule de couleur verte pour les mâles et brun pour les femelles, elle reste très discrète. Les œufs sont pondus dans des cours d’eau (Loing) et bras morts assez vifs et partiellement ombragés. La période de vol s’effectue de fin mai à septembre mais l’observer reste difficile en Île-de-France.
Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii) : vert brillant avec des tâches jaunes sur le dos, elle possède un abdomen renflé à son extrémité. Les larves se développent dans des rivières lentes bordées d’arbres et les adultes volent de fin mai à fin août. Espèce rare, elle est classé vulnérable dans notre région et bénéficie de mesures de conservation dans le cadre du réseau européen NATURA 2000.
Agrion nain (Ischuna pumilio) : petite demoiselle dont la coloration varie au sein des individus. On les retrouve dans des milieux pionniers notamment des mares temporaires ou des fossés. Les adultes émergent fin mai jusqu’à septembre. Espèce pionnière, elle tend à être très abondantes sur un site les deux-trois premières années puis se raréfie au fur et mesure de la reconquête végétale d’un milieu.
Rédigé par Sarah POTIER-GIQUEL
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Références
- http://www.insectes.org/insectes/
- http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/
- JOURDE P., 2010. Les Odonates biologie et écologie
- Libellules du Poitou-Charentes, 2009. 256 p., 500 ill. – Édité par Poitou-Charentes Nature.
- KALKMAN V.J., BOUDOT J.P., BERNARD R., CONZE K.J., DE KNIJF G., DYATLOVA E., FERREIRA S., JOVIC M., OTT J., RISERVATO E. & SAHLEN G., 2010. European Red List of Dragonflies. Publications Office of the European Union, Luxembourg. 29 pp.
- Lehtinen R. M., Galatowitsch S. M. & Tester J. R. 1999 – Consequences of habitat loss and fragmentation for wetland amphibian assemblages. Wetlands 19 : 1-12.
- K.-d. b. Dijkstra, 2015. Guide des libellules de France et d’Europe. Delachaux, p320.